Le recours à une compagnie d’assurance étrangère, même par l’intermédiaire d’un courtier français, présente une certains nombres de risques spécifiques que nous tenons à rappeler :
Ces informations sont tirées d’un article de PASCAL DESSUETPrésident de la commission assurance de la Fédération des promoteurs constructeurs, chargé d’enseignement à l’université de Paris Val-de-Marne (Paris XII) et FRANÇOIS SCHMIT Président de la commission assurance construction de la chambre syndicale des courtiers d’assurance.
Vous trouverez ci-après le texte complet de cet article dotn nous vous rappelons les principales informations:
– les normes financières prudencielles applicables à cette compagnie d’assurance sont celles de son pays d’origine et non pas celle de la France. Il peut donc exister un risque accru de défaillance de la compagnie d’assurance.
-les compagnies étrangères n’étant pas soumise au contrôle de l’état français, elles ne bénéficient pas du dispositif du fonds de garantie des assurances de dommages. « Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages institué par l’article L.421-1 est chargé de protéger les personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations de contrats d’assurance dont la souscription est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, contre les conséquences de la défaillance des entreprises d’assurance agréées en France et soumises au contrôle de l’Etat en vertu de l’article L.310-1. »
– les garanties délivrées par les assureurs étrangers n’incluent pas en général les condamnation “in solidum”.
– Les intermédiaires d’assurance qui proposent ces assurances étrangères doivent informer le client des risques particuliers associés à ce dispositif (c’est l’objet de cette information).
-En cas de sinistre, la procédure peut être rendue plus complexe et coûteuse car la plupart des assureurs étrangers n’adhèrent pas à la CRAC.
– De même, les éventuelles décisions de justice ne seront pas immédiatement applicables aux assureurs étrangers.
En savoir plus….
Conformément aux dispositions des articles L.351-4 et L.351-5 du Code des assurances et sous réserve de respecter une procédure de notification déterminée, une entreprise d’assurance ayant son siège social dans un Etat de l’Espace économique européen (EEE) (1) a la possibilité d’intervenir dans un autre Etat de l’EEE en libre prestation de services (LPS), c’est-à-dire à partir de son siège social sans disposer d’établissement dans le pays du risque ou de l’engagement.
Depuis 1994, il était en théorie possible de souscrire une police dommages ouvrage (DO), une police constructeur non-réalisateur (CNR), une police responsabilité civile (RC) décennale auprès d’assureurs dont le siège se situe hors de France, dès lors qu’ils se trouvaient dans l’Espace économique européen.
A cette époque, cependant, une pareille idée serait apparue comme une pure utopie. Depuis quatre ans, l’utopie est devenue réalité et, tandis que le marché français de l’assurance se détournait de la couverture de certains risques (la DO pour les petits promoteurs en logement et les particuliers en maison individuelle, la police RC décennale pour les constructeurs de maison individuelle, les maîtres d’oeuvre, les BET de sol, les contrôleurs techniques, les étancheurs ou encore les entreprises nouvellement créées et les risques situés dans les DOM), un réel marché de l’assurance-construction obligatoire s’est peu à peu constitué en dehors de nos frontières pour couvrir cette catégorie de risques, mais bien sûr aussi pour les autres, quand cela était possible.
Il est désormais possible de souscrire ce type de police auprès d’assureurs ayant leur siège en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Irlande ou au Royaume-Uni, mais aussi en Islande, au Liechtenstein, à Jersey, en Lituanie, en Lettonie, ou à Gibraltar. Pour des raisons commerciales évidentes, plutôt que de proposer le recours au Bureau central de tarification (BCT) – dans le cadre des dispositions de l’article L.243-4 du Code des assurances – certains intermédiaires d’assurance ont donc eu la tentation d’aller placer leur risque sur ce nouveau marché européen.
CADRE LÉGAL D’INTERVENTION
La souscription d’une police DO ou d’une police RC décennale auprès d’un assureur exerçant depuis son siège installé dans un Etat de l’Espace économique européen est parfaitement légale. Pour intervenir sur le marché français, une entreprise d’assurance – ayant son siège dans l’Espace économique européen – doit adresser un dossier de notification au Comité des entreprises d’assurance (CEA) par l’autorité de contrôle du siège social.Le CEA est une autorité administrative indépendante et collégiale dont la mission, la composition et les modalités de fonctionnement sont définies par le Code des assurances (chapitre III du titre premier du livre IV, articles L.413-1 et suivants, R 413-1 et suivants).
Le dossier de notification comprend la description des branches pratiquées par l’entreprise sur le territoire français, ainsi qu’un certificat de solvabilité attestant de la capacité de l’entreprise à faire face à ses engagements. Conformément aux articles L.362-2, L.362-3,R.362-1 et A.362-2 du Code des assurances, le CEA accuse réception du dossier en communiquant simultanément les règles d’intérêt général que devra respecter l’entreprise, en particulier en matière de droit du contrat, ainsi que de fiscalité. La décision d’agrément est publiée au JO et la liste des entreprises, ainsi autorisées à exercer sur le marché français depuis leur siège social, est consultable sur le site internet du CEA (2). Dès lors, dans le cadre de l’intervention d’un assureur européen dans ce cadre, deux points sont à rappeler.
La police ainsi souscrite sera soumise au droit français
Tout d’abord, aux termes de l’article L.112-7 du Code des assurances, le nom de l’Etat membre où se trouve le siège social de l’assureur doit être communiqué au souscripteur et doit figurer dans les documents. Par ailleurs, selon l’article L.182-1 du même Code : « Les contrats destinés à satisfaire à une obligation d’assurance imposée par une loi française sont régis par le droit français. »
Pour les garanties facultatives de la police DO ou RC décennale, lorsque le constructeur est installé en France (couvertures des dommages aux existants, immatériels, bon fonctionnement), la même solution s’appliquera, mais en vertu d’un autre article, l’article L.181-1 : « Lorsque le risque est situé, au sens de l’article L.310-4, sur le territoire de la République française et que le souscripteur y a sa résidence principale ou son siège de direction, la loi applicable est la loi française à l’exclusion de toute autre. »
Les contentieux seront portés devant des juridictions françaises
S’agissant de la juridiction compétente en cas de litige, dès lors que l’assureur appartient à un pays membre de l’Union européenne, la Cour de cassation a déjà été amenée à statuer sur cette question d’un point de vue général, hors le cas particulier d’une police dommages ouvrage (3). Pour la Cour de cassation, il convient de se référer à une norme européenne de décembre 2000 (4) et plus précisément à son article 9 (5).
Si, par hasard, l’assureur en question a son siège social situé au Danemark, il convient de noter que le présent règlement ne lui sera pas applicable et qu’il conviendra alors d’en revenir à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (6). On retrouvera des dispositions identiques pour les pays de l’Espace économique européen (EEE) non-membres de l’Union européenne (7).
L’assuré propriétaire de l’ouvrage au titre d’une police DO ou le constructeur assuré au titre d’une police RC décennale souscrite en LPS, s’il est domicilié en France, pourra donc attraire son assureur devant la juridiction située dans le ressort de la cour d’appel compétente, compte tenu de son domicile, comme il l’aurait fait sur la base de l’article R.114-1 du Code des assurances français s’il s’était agi d’une affaire sans aucun élément d’extranéité.
Sous réserve que l’assureur intervenant en LPS ait mandaté un organisme français pour gérer le sinistre, l’assuré français ne sera pas perturbé dans ses habitudes par rapport à l’hypothèse où il auraitsouscrit auprès d’un assureur français.
Le dispositif apparaît donc parfaitement légal et sécurisant pour l’assuré qui, en cas de litige, se verra appliqué son droit par des juridictions qui lui sont familières.
PLUSIEURS RÉSERVES
Ce dispositif n’est cependant pas sans soulever quelques inquiétudes… On peut tout d’abord s’interroger sur les motivations de ces nouveaux acteurs à intervenir sur des segments de risques jugés sensibles par l’ensemble des assureurs français qui pratiquent la branche depuis plus de 30 ans. Sans doute est-ce à raison d’une lecture attentive de l’article 1964 du Code civil français qui traite les opérations d’assurance comme les jeux (8) et les paris. Peut-être les assureurs en question disposent-ils, en la matière, d’une martingale que leurs confrères français ne connaissent pas.
De manière plus objective, on sera amené à émettre quelques réserves à raison des points suivants :
1 Application des normes prudentielles en matière de solvabilité des compagnies d’assurance
Aux termes de l’article R.331-17 du Code des assurances, les compagnies d’assurance exerçant en France sont soumises à un régime particulièrement sévère en matière de solvabilité, dès lors qu’elles pratiquent la couverture des risques soumis à l’assurance obligatoire dans le domaine de la construction, à raison du fait que les primes en cette matière sont payées en une seule fois pour la couverture d’un risque étalé sur plus de 10 ans, et gérées en capitalisation.
Or, en vertu des directives européennes applicables aux sociétés ressortissantes d’un pays de l’Union européenne, le suivi des opérations effectuées sur le territoire français par une compagnie d’assurance intervenant en régime de libre prestation de services (LPS) incombe à l’autorité de contrôle du pays du siège social et non à l’autorité de contrôle française. Cela signifie clairement que les règles prudentielles spécifiques au risque décennal, prévues dans le Code des assurances français, ne seront pas appliquées dans la réalité, même si en droit elles devraient l’être puisque le droit français est normalement applicable (9).
Dans ces conditions, il est clair que les intérêts de l’assuré – en termes de solvabilité de l’assureur avec lequel il traite – ne sont pas protégés de manière identique, selon qu’il s’agit d’un assureur installé en France ou bien exerçant en LPS, sans préjudice par ailleurs de l’éventuelle distorsion de concurrence que peut présenter une telle situation vis-à-vis des assureurs installés en France.
Une modification du système s’imposerait sur ce point afin de renforcer les pouvoirs de contrôle de l’Etat sur le territoire duquel s’exerce l’activité d’assurance. D’ailleurs il n’est pas inutile de rappeler que, dans un contexte légèrement différent, cette opinion va dans le sensdes recommandations du rapport Deletre (10).
On notera, enfin, que la plupart des sociétés d’assurance qui se lancent sur ce nouveau marché n’offrent généralement pas un rating Standard & Poor’s (11) comparable aux grandes compagnies coutumières de la pratique de ce risque, de type A -, ou A +, voire AA.
S’agissant de couvertures d’assurance destinées au logement la plupart du temps et reposant sur des primes gérées en capitalisation sur 10 ans, ce point ne peut être négligé. C’est pourquoi il nous semblerait indispensable de ne traiter qu’avec les seules sociétés d’assurance répondant à des critères de solvabilité très sérieux, d’où la proposition d’un texte de clause assurance à stipuler dans les marchés de travaux ou les conventions de financement :
« En matière d’assurance- construction, toutes les polices devront être souscrites auprès d’entreprises d’assurance satisfaisant à un rating Standard & Poor’s qui ne saurait être inférieur à A + et/ou figurant parmi les leaders – en termes de chiffre d’affaires – sur le marché de l’assurance-construction obligatoire, au sens des articles L.242-1 et L.241-1 du Code des assurances. »
2 Intervention du fonds de garantie des assurances de dommages
On rappellera, en effet, que l’article L.421-9 du Code des assurances dispose que : « Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages institué par l’article L.421-1 est chargé de protéger les personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations de contrats d’assurance dont la souscription est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, contre les conséquences de la défaillance des entreprises d’assurance agréées en France et soumises au contrôle de l’Etat en vertu de l’article L.310-1. » Or, le chapitre II 5°de ce même article dispose aussi que : « Sont exclus de toute indemnisation au titre de la présente section les contrats d’assurance assurant les personnes morales et les personnes physiques souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires en ce qui concerne leurs activités professionnelles. »
Aux termes de cet article, il apparaît que si le promoteur et plus généralement le professionnel n’ont pas vocation à bénéficier directement du fonds de garantie, il en va normalement différemment pour l’acquéreur particulier et donc à travers lui indirectement pour le promoteur qui, en pareil cas, ne sera pas recherché sur ses fonds propres par l’acquéreur, puisque ce dernier aura été indemnisé par le fonds.
Or, s’agissant d’opérations d’assurance réalisées en libre prestation de services, le fonds ne pourra intervenir à leur profit puisque, précisément, les entreprises d’assurance intervenant en LPS – bien qu’agréées pour intervenir en France – ne sont pas « soumises au contrôle de l’Etat ». Ce dernier, en pareille hypothèse, conformément à la loi s’en remet aux autorités du pays où l’assureur a son siège social.
Le recours à la LPS prive donc les assurés non professionnels et indirectement les promoteurs, du bénéfice du fonds de garantie, alors que c’est peut-être dans cette hypothèse que son intervention serait la plus utile.
3 Extension de garantie relative à la couverture des conséquences des condamnations solidaires ou « in solidum », dans les contrats RCD
Les contrats d’assurance de responsabilité décennale délivrés par le marché français comportent une extension de garantie permettant de couvrir l’assuré en cas de condamnations solidaires, ou in solidum, à condition que les co-obligés soient eux-mêmes titulaires de contrats d’assurance garantissant leur responsabilité décennale pendant la durée de celle-ci. Dès lors que les normes prudentielles spécifiques au risque décennal, prévues par le Code des assurances français, ne sont pas appliquées pour les raisons évoquées ci-dessus, la pérennité de la garantie des contrats délivrés en LPS n’est plus, de ce fait, certaine. Le mécanisme même de cette extension devient inopérant, laissant ainsi maître d’ouvrage (en l’absence de DO) et constructeur sans aucune protection.
4 Placement du risque et obligation de conseil des intermédiaires
Les deux premières réserves, quant à l’exercice du contrôle prudentiel et au bénéfice du fonds de garantie, ont déjà été reprises dans un communiqué de la Commission Assurance construction de la CSCA publié dans la revue « Courtage » (octobre 2009 p. 25 et décembre 2009 p. 27), rappelant que la plus grande prudence devait donc s’imposer pour les intermédiaires d’assurance s’agissant de primes capitalisées sur dix ans et les invitant à observer le principe de précaution, dans la mesure où – depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-1 564 du 15 décembre 2005 – ils doivent justifier à leur client des raisons qui motivent le conseil fourni et l’assureur pressenti ou retenu.
Dans l’hypothèse d’une défail-lance de l’assureur proposé, l’intermédiaire devra être en mesure de justifier les critères qui l’ont conduit à recommander à son client le choix de l’assureur en question, étant entendu que le refus opposé par d’autres assureurs sur le marché français ne saurait justifier une absence de vigilance quant à la solidité financière de l’assureur proposé, dès lors que le Code des assurances prévoit des procédures pour contraindre un assureur à accepter un risque par l’intermédiaire du BCT.
5 Alourdissement des procédures de recours en dommages ouvrage
En effet, les compagnies exerçant en libre prestation de services n’adhèrent pas, sauf rares exceptions, à la Convention de règlement des sinistres construction (Crac).La loi du 4 janvier 1978 et surtout les clauses types qui suivirent sa publication, avaient, certes, organisé de manière très précise le déroulement de l’expertise technique qui devait être diligentée par l’assureur DO à réception d’une déclaration de sinistre, mais elles avaient laissé dans l’ombre le problème – pourtant crucial – de l’autorité de cette expertise amiable, notamment à l’égard des assureurs de responsabilité décennale. En réalité, l’exercice des recours s’avéra lent et difficile, générant un renchérissement des primes DO (12).
Il fut remédié à ce principe par :
– la modification des clauses types avec l’arrêté du 16 août 1984, conférant un caractère contradictoire à cette expertise, permettant à la jurisprudence (13) de considérer par la suite que, dès lors que le formalisme de l’expertise avait été respecté, le rapport était opposable aux assureurs RC décennale des constructeurs concernés ;
– mais surtout, de manière beaucoup plus décisive, par la signature en 1983 d’une convention interassureurs, dite « Convention de règlement de l’assurance construction » (Crac) (14), qui rendait opposable à l’ensemble des assureurs RC décennale non seulement la matérialité des désordres et le montant des réparations tels que déterminés par l’expert (comme pouvait le reconnaître déjà la jurisprudence), mais, en outre, réglait de manière forfaitaire – par typologie de sinistre – l’imputation des désordres entre les constructeurs et imposait des délais aux assureurs de responsabilité pour honorer les recours qui leur étaient présentés dans le cadre de la convention.
Dès lors que l’assureur dommagesouvrage n’aura pas adhéré à la convention Crac, le principe de l’expertise unique disparaît. Ses recours contre les assureurs RC décennale des constructeurs responsables seront plus difficiles pour deux raisons : l’impossibilité de s’entendre sur la répartition des responsabilités entre colocateurs, favorisant de ce fait des refus de garantie dans le délai légal de 60 jours dès que l’enjeu est important ; une tendance à ne pas s’engager sur le montant des réparations dans le délai de 90 jours prévu par les clauses types, entraînant mécaniquement la mise en cause judiciaire du promoteur souscripteur de la police et des constructeurs par l’acquéreur victime des désordres.
Symétriquement, les coûts de gestion au titre des polices RC décennale s’en trouveront accrus, du fait de la démultiplication des expertises et de la judiciarisation croissante des recours. A terme, tout l’équilibre économique du système pourrait s’en trouver perturbé.Cette remarque vaudrait également pour certaines compagnies d’assurance françaises ne réalisant pas un chiffre d’affaires important dans la branche construction et qui n’adhèrent pas à la Crac.
6 Difficulté pour faire exécuter les décisions de justice qui seront rendues en cas de contentieux
La compétence judiciaire des tribunaux français ne règle pas la question de l’exécution des décisions rendues. En effet, il incombera à l’assuré – bénéficiaire de condamnations prononcées par des juridictions françaises – d’en poursuivre l’exécution dans le pays où se trouve le siège social de son assureur, c’est-à-dire sur la base du droit local en matière de voies d’exécution, avec toutes les difficultés que cela peut supposer pour un assuré résidant en France.
Si on prend l’exemple d’un acquéreur bénéficiaire d’une condamnation in solidum prononcée à l’encontre du promoteur et de l’assureur dommages ouvrages, dont le siège social est en Islande, il y a fort à parier qu’il préférera agir directement contre le promoteur, à charge alors pour ce dernier de faire exécuter la condamnation contre l’assureur par un huissier islandais et de régler en droit local tous les incidents qui pourraient entraver la procédure.
Au total, pour le promoteur il s’en suivra une charge inhabituelle consistant à devoir poursuivre, au titre de l’in solidum, l’exécution d’une décision de justice française à l’encontre d’un assureur établi hors de France. Il en ira de même pour les constructeurs, lorsque la police dommages ouvrage n’aura pas été souscrite, s’agissant de maîtres d’ouvrage publics pour des ouvrages ne concernant pas l’habitation ou bien même de maîtres d’ouvrage privés dans le secteur de la maison individuelle.
7 Un montage très souvent opaque et complexe
Parmi les différentes offres que l’on peut rencontrer en cette matière, il en est de très simples. On citera l’exemple de cet assureur allemand, adhérent à la Crac, qui a développé une offre en LPS pour permettre aux entrepreneurs allemands intervenant en zone frontalière de disposer facilement d’une couverture d’assurance en RC décennale ; ou telle mutuelle professionnelle belge ; ou encore une société d’assurance établie au Liechtenstein, spécialisée dans la couverture du photovoltaïque.
Il en est d’autres beaucoup plus complexes et, semble-t-il, très répandues : un intermédiaire français courtier ou agent (1er intervenant) place son risque auprès d’un mandataire anglais, qui dispose de bureaux de représentation en France (2e intervenant) – exerçant pour le compte de différentes compagnies d’assurance situées dans d’autres pays de la communauté (Irlande, Danemark) mais aussi au Liechtenstein, à Gibraltar, et même en Lettonie (3e intervenant) – lesquelles confient la gestion des sinistres à un organisme de gestion spécialisé, situé en France (4e intervenant).
On ne peut évidemment que demeurer dubitatif quant à la pérennité sur dix ans d’un tel montage qui met en oeuvre des acteurs appartenant à trois pays différents pour délivrer une police d’assurance destinée à couvrir la construction de logements dans un lotissement sis dans quelques provinces françaises.
8 Application contestable des clauses types
La liberté prise avec le texte des clauses types applicables en matière de police dommages ouvrage ou responsabilité civile décennale aux termes de l’article L.243-8 du Code des assurances soulève également des réserves.
Il existe en fait deux cas de figure :
• Dans une première catégorie, on trouve des assureurs intervenant directement sur le marché français, par l’intermédiaire d’un mandataire exclusif installé en France, et qui diffusent des polices dont les textes prennent de sérieuses libertés avec les clauses types normalement applicables. On citera l’exemple de polices d’assurance responsabilité civile construction ne comportant pas de volet spécifique pour la couverture de la RC décennale ; ou encore de polices dommages ouvrage faisant encore référence à des termes exclus de notre droit depuis 2005, comme la notion de « travaux de bâtiment », ou modifiant sensiblement les textes applicables, par exemple en excluant du volet obligatoire « les travaux ayant pour objet le stockage ou l’extraction de matières », le tout refondu avec un succédané d’article 1792-7du Code civil stipulant des déchéances pour déclaration tardive non prévues dans les clauses types, ou édictant des conditions suspensives de garantie à propos de garantie mises en place pour dix ans fermes aux termes de la loi.
On rappellera qu’en vertu de l’article L. 310-8 du Code des assurances : « Le ministre peut exiger la communication des documents à caractère contractuel ou publicitaire ayant pour objet une opération d’assurance ou de capitalisation. S’il apparaît qu’un document est contraire aux dispositions législatives ou réglementaires, le ministre peut en exiger la modification ou en décider le retrait après avis du Comité consultatif du secteur financier. En cas d’urgence, l’avis du Comité consultatif du secteur financier n’est pas requis. »
• Dans une seconde catégorie, on trouve des polices délivrées par des assureurs qui doivent considérer que toute peine mérite salaire et que l’expertise dommages ouvrage devrait être payante. Faute de pouvoir le stipuler aussi clairement, les assureurs en question diffusent des polices DO où il est expressément mentionné dans les conditions particulières que « toute police dommages ouvrage souscrite auprès de l’assureur en question est obligatoirement assortie d’une garantie frais d’expertise sinistre souscrite auprès d’une compagnie tiers et qui ferait partie intégrante de la police dommages ouvrage ».
Une telle pratique de vente « obligatoire de produit d’assurance », liée à la couverture d’une police dont la souscription est obligatoire en France, est bien évidemment tout à fait contraire à la loi (voir notamment l’article R.250-2 du Code des assurances, antépénultième alinéa).
9 Des polices très souvent limitées
Ce type de polices est généralement proposé avec une police TRC (tous risques chantier) dont les garanties sont souvent très limitées, voire contraires aux dispositions impératives de la loi française : ainsi, très souvent, en violation de l’article L.126-3 du Code des assurances, ne figure pas la mention de la garantie « Attentat terrorisme ». Par ailleurs, les polices souscrites ne couvrent pas tous les dommages matériels, comme doivent le faire les bonnes polices. Elles sont très souvent limitées aux dommages accidentels et soudains et, le plus souvent, rien n’indique dans les documents que la qualité d’assuré soit conférée aux constructeurs, pas plus qu’il ne soit renoncé à recours contre lesdits constructeurs et leurs assureurs. Or, une renonciation à recours ne saurait se présumer et encore moins être tacite. Enfin, les conditions générales stipulent presque toujours la faculté de résiliation de la police après sinistre, ce qui pour une police de chantier peut s’avérer particulièrement dangereux et aboutir à laisser le maître d’ouvrage sans assurance, dès lors qu’il aura déclaré un sinistre même modeste.
CONCLUSION
A l’heure où le système d’assurance-construction obligatoire français est parfois présenté comme une entrave à la libre prestation de service pour les constructeurs désireux d’intervenir sur le marché français, faute de pouvoir convaincre un assureur de leur délivrer les garanties exigées par la loi, il est toujours intéressant de noter que le marché de l’assurance européen s’intéresse à ce type de couverture. Néanmoins, la plus grande prudence s’impose selon nous, et chacun doit être conscient que la souscription d’une police d’assurance-construction obligatoire, auprès d’un assureur intervenant en LPS, comporte des spécificités sur lesquelles il convient de s’interroger pour voir si elles s’intègrent bien dans la politique de gestion des risques que l’on a adoptée plus généralement.
Cette recommandation de prudence revêt une importance accrue sur un plan plus général, car les contrats qu’elle vise constituent l’instrument indispensable à la protection, non seulement des consommateurs, mais également des acteurs de la filière du BTP, principe de protection ayant servi de fondement au régime spécifique de responsabilité et d’assurance instauré par la loi du 4 janvier 1978.
Si l’élargissement du marché de l’assurance-construction ne peut recueillir, sur le principe, que l’assentiment de tous les acteurs, encore faut-il que les nouveaux opérateurs se conforment aux exigences et aux particularités de ce risque, sinon les grands équilibres de cette branche si particulière seront de nouveau mis en péril, situation déjà connue et subie dans le passé. Or, chacun sait aujourd’hui que la solidarité de place n’est plus de mise et pour cause.